mardi 6 décembre 2011

Très haut débit et contenus : limites de l’ADSL

Je m’intéresse toujours à ces nouveaux contenus qui font les conversations des salons professionnels et constituent les buzzwords des professionnels de la communication. Télévision 3D (, télémedecine, télétravail et donc transfert de documents de plus en plus lourds, multiécran dans les maisons, ou tout simplement TV HD : voici la liste des principales activités qui surchargent peu à peu le haut débit comme nous le connaissons (ADSL)



Ces nouveaux champs, derrière lesquels se cachent des gisements d’emplois et d’innovation, restent à l’heure actuelle bloqués par les débits limités de l’ADSL, et par l’arlésienne de la fibre optique. Car oui, malgré l’existence des technologies porteuses, les frais d’investissements ont toujours rebouté les principaux opérateurs. Conséquence : moins de 30% des accès en très haut débit se font en fibre optique. Une seule technologie semble pour l’instant faire la différence, c’est celle du câble, qui permet le trés haut débit, uniquement sur les zones couvertes, mais celles-ci ne sont pas minces.

Reste que la bataille des contenus « gourmands » reste forte, comme le rappelait Pierre Danon au moment du lancement de la 1ère chaîne 3D de Numericable : « seul le câble permet de diffuser des programmes en 3D, l'ADSL n'est pas prêt ». Il faut aussi envisager les contenus en cascade, c’est à dire la manière dont ils peuvent s’imbriquer les uns aux autres. Toujours sur l’exemple de Numericable, Pierre Danon rajoutait dans l’Express la possibilité d’ouvrir des paris sportifs sur les événements diffusés en 3D « quand les gens regardent l'événement (le tiercé, le match de football, de tennis, etc.), au moment du 'live', ils aient la possibilité de parier et que quand ils ont parié, qu'ils puissent voir le ‘live »

L’histoire ne semble pas avoir beaucoup avancé en tout cas pour les consommateurs français, qui restent à la traîne au niveau européen, avec 3% de foyers équipés contre 26,6% en Lituanie . On peut toujours attendre ces nouveaux contenus et les promesses qu’ils impliquent...



En attendant, les plus joueurs d’entre vous peuvent toujours s’essayer au mini-jeu « Cable vs. DSL » qui retranscrit avec ironie la situation.

samedi 19 novembre 2011

Hadopi 3 : les propositions de Nicolas Sarkozy

Définitivement en campagne, Nicolas Sarkozy a ouvert la porte à une extension de la lutte contre le piratage au streaming, accusé de voler d’un côté et de vendre de l’autre. Le président a aussi annoncé que le centre national de la musique serait financé par une taxe sur les abonnements.

A chaque auditoire, son discours. Lors de son intervention au Forum d'Avignon devant l’industrie de la musique et du cinéma, Nicolas Sarkozy a clairement annoncé que la Hadopi pourrait être étendue au streaming.



« J'aime une musique, je veux la partager : la démarche n'est pas en soi négative. Sur les sites de streaming, l’idéologie du partage, excusez-moi, c’est l’idéologie de l’argent : je vole d’un côté et je vends de l’autre. Qu’on ne me demande pas de soutenir cela » a déclaré le très probable candidat à sa succession, cité par Le Monde et 01Net.

"On adaptera la législation", si la technologie le permet

Des propos qui tendraient donc à classer indistinctement tous les sites de streaming au même niveau, c’est-à-dire pourvoyeurs (avec rémunération à la clé) de contenus illicites.

Mais le discours a des chances de satisfaire les industriels des contenus qui pointent régulièrement la responsabilité en matière de piratage des sites de streaming et de téléchargement direct.

Toutefois, la lutte contre les contenus illicites sur ces plates-formes se heurte à des difficultés techniques. Et le filtrage pourrait donc une nouvelle fois être mis en avant, voire d’autres mesures de durcissement de la législation. Or, une telle réflexion, vivement soutenue par les studios et Majors, suscite actuellement un tollé aux Etats-Unis.

En outre, en juillet, la Hadopi, qui travaille à un observatoire du streaming et du direct download, rabrouait les ayants droit concernant leurs velléités autour de la question du filtrage.

« La conception et le déploiement de technologies de filtrage sont des questions hautement complexes et sensibles de nature à atteindre la neutralité, la sécurité des réseaux ou encore la protection de la vie privée. »

Le piratage P2P recule de 35% pour Nicolas Sarkozy

Pour la haute autorité, l’offre légale est la priorité des ayants droit, pas le filtrage. Devant les acteurs du numérique, en avril, Nicolas Sarkozy s’était aussi voulu plus consensuel, reconnaissant ainsi que le gouvernement avait commis quelques erreurs.

« J'ai bien conscience que la technologie évolue. Si la technologie nous permet une nouvelle évolution, on adaptera la législation » défend donc désormais le président de la République, ouvrant la porte à une Hadopi 3.

Nicolas Sarkozy a également défendu le bilan d’Hadopi, se félicitant ainsi d'un recul du piratage par P2P de 35%. S’il table sur une évolution de la technologie pour adapter la législation, le président oublie en revanche de noter que les usages aussi évoluent. Par ailleurs, dans son bilan d’activité, la Hadopi elle-même se montre prudente sur ses résultats.

D’autres modes de partage et de consommation (et pas seulement pour les contenus illicites) ont supplanté le P2P. En effet, depuis 2009, le P2P ne fait plus recette, quand au contraire le streaming se développe.

Un CNM financé par les abonnements Internet

En campagne, Nicolas Sarkozy est également revenu sur le dossier de la création d’un centre national de la musique (CNM), inspiré du CNC pour le cinéma et l’audiovisuel, dont la gestion est vivement critiquée par l'inspection des finances. Le financement du CNM sera assuré par un prélèvement sur les abonnements à Internet.

Pourtant, mercredi 16 novembre, en commission des affaires culturelles, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand avait refusé de confirmer cette option. Un rapport est encore en cours et les pistes de financement pas encore tranchées soutenait-il.

Le président de la République anticipe donc en arbitrant directement avec une nouvelle ponction sur les abonnements Internet, sachant que les FAI contribuent déjà au CNC par l’intermédiaire du Cosip. Début octobre, la fédération française des télécoms (FFT) n’avait pas caché son hostilité à ce projet d'instauration d'une nouvelle contribution au profit de l’industrie culturelle.

mardi 30 août 2011

Edipresse réaffirme sa stratégie médias

Le groupe de la famille Lamunière ne veut pas d’un développement basé uniquement sur l’immobilier.

Après l'annonce de cession des activités médias en Roumanie,Michel Preiswerk, directeur opérationnel d'Edipresse, précise les motifs de la transaction. Tout en réaffirmant la volonté de rester présent dans le marché des médias.

Pourquoi Edipresse a-t-il quitté la Roumanie?

Notre stratégie actuelle est de nous concentrer sur les marchés où nous bénéficions d'une forte présence. En ce qui concerne le marché roumain, sur lequel nous sommes en joint-venture avec Axel Springer, la concurrence était particulièrement forte. Il est utile de préciser que cette transaction n'est pas significative pour nous, ni pour Axel Springer. En revanche, l'opération fait sens pour le groupe Ringier dont l'acquisition des nouveaux portefeuilles complète ses titres existants. Si la transaction a été particulièrement médiatisée, c'est, à mon sens, parce qu'il était important pour Ringier de communiquer vis-à-vis du marché roumain.

Pourquoi maintenant?

Le timing correspond simplement à l'exécution du plan stratégique que nous avons entamé depuis quelques temps. L'idée est de ne pas diluer nos forces sur des opérations dont le retour sur investissement est trop modeste.

jeudi 19 mai 2011

Plan plurimédias : comment faire converger les contenus ?

On a longtemps pensé la convergence numérique comme la “fusion” d’appareils jusque-là très différents : le téléphone, la télévision, l’ordinateur et la chaîne hi-fi ne faisant plus qu’un, fédérés par l’internet. Même si, au final, on a plus souvent constaté une divergence qu’une convergence : la multiplicité des terminaux induisant une multiplicité d’usages. La connexion de tout avec tout conduit plutôt à une complexification qu’à une rationalisation, expliquait déjà Daniel Kaplan en 2006.



Un exemple de plan pluri-média

La convergence des outils et des technologies conduit-elle à la convergence des contenus ou à leur divergence ? C’est peut-être ainsi qu’on pourrait résumer l’enjeu qui sous-tend la question du transmédia, sujet coeur des Masterclass internationales du Transmédia qui se tenaient à Marseille la semaine dernière.

Pour Eric Viennot, auteur de jeux et directeur de Lexis Numérique, le transmédia, “c’est un film dont vous êtes le héros”. Un avis assez proche de celui de Stéphane Natkin, directeur de l’Ecole nationale du jeu et des médias interactifs numériques, “tout dans les médias va devenir comme un jeu”. Pour ces acteurs, proches du secteur du jeu vidéo, le transmédia ne correspond pas seulement à la convergence des médias, mais bien avant tout à la ludification des contenus (pour ne pas dire leur lubrification, comme dirait Philippe Gargov en appliquant ces métaphores à la ville plutôt qu’aux contenus).

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Image : Eric Viennot à la Une du site des Masterclass internationales du Transmédia.

Si on y regarde de plus près, le terme de Transmédia, inventé par Henry Jenkins il y a une dizaine d’années dans un article pour la Technology Review, consiste à articuler un univers narratif sur différents médias. A la différence du plurimédia, qui consiste à décliner un contenu sur des médias complémentaires ou du multimédia qui permet d’agencer différents types de médias, le transmédia consiste à porter un univers sur différents supports qui apportent, via leurs spécificités d’usage et leurs capacités technologiques, un regard nouveau et complémentaire sur l’univers et l’histoire originels.

Il s’agit donc bien d’une convergence des médias, même si ceux-ci gardent chacun leurs spécificités. D’où des approches assez différentes selon que l’univers d’origine se rapproche du livre, du film ou du jeu… L’idée est de proposer de multiples entrées dans une histoire pour favoriser la circulation de l’audience d’un média à l’autre. Le transmédia cherche à proposer une expérience de divertissement enrichie qui favorise la participation et l’engagement des consommateurs.

Consommateurs, car c’est bien d’une technique narrative imaginé par les industries culturelles dont il est question. Comme l’explique Nicolas Bry du Transmedia Lab d’Orange, “l’idéal transmédia a pour objectif de créer une expérience unifiée entre différents médias donnant le sentiment d’entrer dans un univers”. En ce sens, il se distingue encore de la “transfiction” (les histoires sont diffusées sur différents médias, mais chaque bout n’est pas autonome, l’histoire dépendant de chacune des pièces d’un puzzle) ou de l’adaptation qui correspond au passage d’une histoire d’un média à un autre : l’adaptation du roman de Tokien au cinéma par Peter Jackson ou dans le jeu vidéo en reprenant exactement la trame originale du livre.

Comme l’explique encore Laurent Guérin, producteur transmédia chez Murmures Productions, directeur général de CityMoviz et producteur de Detective Avenue une production transmédia entre le jeu et la web-série, “les programmes transmedia répondent à deux obligations : aller chercher une audience là où elle est, et lui fournir une expérience riche et multitâche, adaptée à son comportement.” L’idée est de proposer un divertissement plus interactif, “à plusieurs étages”, avec des “contenus actifs” c’est-à-dire qui ont pour but de rendre le spectateur actif.

Pour Eric Viennot, le pape francophone du transmédia, que beaucoup considèrent comme l’un des fondateurs du jeu à réalité alternée avec In Memoriam (première édition et seconde édition), le transmédia est “la rencontre de domaines jusque-là cloisonnés : journalisme, design, bande dessinée, musique, mode, jeux vidéo, cinéma, télévision”… Pour lui, créateur de jeux, cette fusion annonce “une nouvelle façon de créer et de raconter des histoires”, à la fois interactives et se développant sur tous les médias, empruntant l’essentiel de ses principes au jeu vidéo. “Le transmédia, c’est une écriture pensée très en amont par rapport à tous les médias”, explique-t-il encore, “à leur complémentarité, au fait que l’un ne peut pas se passer de l’autre, de pouvoir entrer dans un univers en étant réactif.” L’architecte transmédia doit concevoir le déroulé des différents médias qui vont être utilisé, l’outil narratif qui permet de faire le lien entre les 5 écrans.

Reste que “pour l’instant, les professionnels envisagent le transmédia pour créer des nouveaux points d’entrée vers leurs univers de jeu, ou comme une passerelle vers le cinéma et la série, mais pas comme une écriture à part entière”, regrette le créateur. Effectivement, bien souvent, plus qu’une conception de contenus pour tous les écrans, le transmédia ressemble bien plus à de la gamification (c’est-à-dire à l’ajout de fonctionnalités interactives et ludiques à des contenus) pour ne pas dire à des opérations marketing consistant à rabattre les consommateurs vers le produit principal en allant le chercher sur tous les écrans. D’ailleurs, comme nous l’explique Jean-Michel Blottière, directeur de NX Publishing et grand ordonnateur de ces rencontres : le transmédia est d’abord et avant tout le fait de grands groupes opérateurs ou médias, que des entreprises indépendantes qui la plupart du temps ne développent qu’un aspect des produits. En cela il est bien l’ultime produit des industries culturelles.

Dans le secteur des médias et du jeu, tout semble appelé à devenir transmédia. On pourrait ainsi voir Harry Potter comme un héros transmédia, ce qu’il n’est pourtant pas, puisque films et jeux sont l’adaptation fidèle du livre. L’univers a toujours été très cloisonné par l’auteure. A l’inverse, les succès du transmédia ont pour référence Star Trek, BlairWitch Project ou les projets transmédias d’Ankama, le groupe français qui produit les jeux Dofus et Wakfu, qui ont donné lieu depuis à des BD et des dessins animés inspirés de l’univers originel…
Narration, simulation, orchestration

Lee Sheldon est à la croisé de tous ces mondes. Ecrivain, game designer et producteur de télévision, ce qui l’intéresse lui, c’est le mécanisme narratif. Il travaille actuellement sur un jeu multijoueur pour joueurs occasionnels (casual games) basé sur l’univers de Star Trek et réfléchit à comment maintenir la cohérence narrative entre des épisodes de la série et les jeux qu’il développe. Pour lui, le transmédia consiste effectivement à écrire pour différentes plateformes en s’adaptant aux spécificités de chacune.

51a9pVWDYRL._SL250_Après avoir évoqué plusieurs des ARG (Alternate Reality Game ou jeux de réalité alternée consistant en des fictions immersives brouillant les frontières entre le monde réel et imaginaire qui se déploient à la fois en ligne et dans la vraie vie) auquel il a participé, il constate que plus que la narration ou les développements de l’histoire, il faut élaborer la compétition et la collaboration entre les joueurs : les interactions entre les gens. Et l’immersion permet justement bien souvent d’aller plus loin. Il serait plus impliquant d’apprendre les langues dans un espace immersif qui vous entraînerait dans un souk pour apprendre l’arabe ou chez un marchand de thé chinois pour apprendre le mandarin. C’est tout l’objet d’un de ses livres, The Multiplayer Classroom, qui s’intéresse justement à comment faire la classe avec des jeux multijoueurs (voir son blog).

James Bower a lui un parcours atypique. Scientifique, il a travaillé sur le comportement animal et sur le cerveau. C’est ce qui l’a amené à la modélisation par ordinateur et à la simulation pour développer un programme éducatif en science. Il dirige la société Numedeon qui produit Whyville, une plateforme de jeux éducatifs pour les 8-12 ans. Pour lui, le transmédia est bien une nouvelle forme qui montre comment nous devons utiliser l’internet. “Les boites de conserve ont été inventées avant d’avoir les outils pour les ouvrir. On invente d’abord, puis après on apprend à bien utiliser ce que nous avons inventé. Avec les nouvelles technos, on peut tout faire. Mais il faut comprendre que c’est une nouvelle plateforme. Mettre des magazines papier sur le web ou des films dans les ordinateurs, ça ne marche pas très bien. Il faut inventer quelque chose de nouveau.”

Pour lui, l’internet est un monde virtuel et ce monde virtuel est l’espace du transmédia. Les mondes virtuels sont adaptés à cet espace “parce que nous pensons en 3D”, et que les jeux et la sociabilité sont les fondements de l’apprentissage. Whyville est une plateforme d’apprentissage constructiviste pour les 8-12 ans, car “c’est l’âge où l’école connait le plus d’échecs”. Sans aucun marketing, Whyville totalise 7 millions d’utilisateurs bien plus que bien de ses concurrents comme Habbo ou que les 400 mondes virtuels qui existent actuellement… Les enfants passent en moyenne 35 minutes par session sur Whyville contre 10 minutes sur Habbo.

“L’apprentissage doit être actif, car c’est un processus actif qui agit sur sa propre mémoire. La simulation permet d’interagir avec les choses”. Pour James Bower, le storytelling n’est pas adapté, il construit un processus à travers la narration, un peu comme un cours. Alors que la simulation, sur laquelle s’appuie Whyville implique la perte de contrôle, l’impossibilité de créer une linéarité… “Il est essentiel que les joueurs trouvent leurs propres solutions plutôt que d’être confrontés à une évolution trop programmée, comme on la trouve dans Sim City par exemple où l’on ne peut pas faire grand-chose d’autre que suivre les étapes prévues par le jeu”. C’est peut-être pour cela qu’un tiers des employés de Whyville sont des community managers qui sont là pour aider les élèves.

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Image : une simulation de récif corallienle jeu pour sauver le récif corallien de Whyville.

Reste que les réalisations semblent plus proches des jeux ludo-éducatifs que du transmédia. L’Encyclopedia of Life est une encyclopédie assez ennuyeuse à consulter. Avec le Field Museum et la Fondation Mac Arthur, James Bower l’a utilisé pour construire une simulation de récif corallien où les enfants étaient invités à identifier les espèces. En faisant disparaitre l’une d’entre elles, les concepteurs ont introduit un jeu et une compétition entre les enfants pour sauver le récif. En deux mois, le jeu a reçu 2,3 millions de visites. Les enfants ont appris à reconnaitre 1 million d’espèces et se sont mobilisés activement pour sauver le récif corallien…

Pour James Bower, “ce n’est pas le contenu qui compte ou son design, mais le processus d’apprentissage”.

Pour Monique de Haas présidente de Dondersteen.net, la simulation ne suffit pas. “L’audience est une symphonie qu’il faut faire jouer à plusieurs instruments”. Pour construire de nouvelles relations avec elle, il faut utiliser les plateformes qu’elle utilise et comprendre qu’elles sont multiples dans leurs engagements, dans leurs besoins et leurs comportements. Beaucoup de projets transmédia ne s’intéressent qu’au coeur des fans, au détriment du public occasionnel ou de masse. Alors qu’une bonne conception transmédia doit permettre de viser tous ces différents publics.

Pour Christy Dena, directrice d’Universe Creation 101 et organisatrice des Transmedia Victoria en Australie, on voit bien qu’il y a différentes approches et donc différentes stratégies au transmédia. Toutes les transformations ne sont pas universellement possibles : on ne peut pas transformer un film basé sur un tueur dans une maison isolée en jeu massivement multijoueur. Il y a aussi des univers dans lesquels les gens ne sont pas prêts à passer des heures… Il y a des évènements et des caractères à isoler pour voir s’ils peuvent être joués, s’ils peuvent être adaptés sur d’autres supports et comment. Pour elle, la production transmédia doit être très professionnelle explique-t-elle en montrant des cartes très complexes précisant la temporalité des productions, listant les plateformes utilisées pour un dispositif et leurs interactions entre elles. Pour Christy Dena, le transmédia est “une stratégie de communication et de production de loisir”, nécessitant de penser à tout, et notamment de coordonner différentes équipes de productions ayant chacune leurs objectifs. Sur certains projets, c’est un véritable guide de l’univers qu’il faut mettre en place !

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Image : un planning pour une opération transmédia, issu d’une des présentations de Christy Dena.

Les spectateurs passifs, ceux qui utilisent un seul média, sont bien souvent les plus difficiles à toucher. L’audience du transmedia est bien souvent inversée par rapport aux audiences classiques. C’est toute la limite de l’exercice. Si le projet dans sa globalité est conçu pour un public de fan (qui parcourra toute la palette d’outils disponibles), bien souvent, il sera très difficile de faire se déplacer l’essentiel des spectateurs d’un média l’autre, insiste la productrice.

Sans compter que les cultures de production d’un médium l’autre sont souvent bien différentes. “Le processus pour faire un bon film n’est pas le même que pour faire un bon jeu et on ne peut pas passer de l’un à l’autre facilement”. Chaque médium nécessite ses propres approches, ses propres équipes, ses propres budgets, ses propres agendas… “Chaque plateforme propose une expérience différente, et c’est seulement l’ensemble qui donne de la cohérence narrative à chacune”.

En cela, le transmédia apparaît vraiment comme l’orchestration d’une production pluridisciplinaire. Une forme narrative qui utilise toute la palette des outils d’aujourd’hui pour créer un univers. Une architecture, une infrastructure, une orchestration… de l’attention disponible.

mercredi 16 février 2011

Médias sur tablettes : l'offensive de Yahoo!

Yahoo!, qui recentre ses activités vers le contenu et les médias, souhaite surtout se faire une place au coeur des tablettes. Pour ce faire, la société explore de nouvelles pistes de distribution de contenus avec son dispositif Livestand, un savant mélange de contenus texte, images et vidéos, mis en page automatiquement avec une intégration "douce" de formats publicitaires contextuels. En d'autres termes, il s'agit d'un service hybride entre les version iPad des magazines et les sites internet classiques.


Dans un premier temps, les contenus distribués seront ceux de Yahoo!, mais l'outil sera rapidement ouvert à tous les éditeurs de presse. Le géant américain recherche d'ailleurs des partenaires dans toute l'Europe.

Yahoo compte s'appuyer sur son expertise de monétisation des contenus pour étendre ses services sur tablette. Benjamin Starkie, directeur européen de la communication de Yahoo!, nous explique : "Sur nos services Internet, nous fournissons plus de 30 000 pages d'accueil différentes chaque jour, en fonction de l'actualité, des goûts et de l'emplacement de chacun. La personnalisation est au coeur de la stratégie Yahoo!, nous continuons sur tablette." La disponibilité du service sera effective sous iOS et Android avant la fin du mois de mars 2011.

mercredi 2 février 2011

Espionnage industriel : La curieuse « stratégie » de Renault

Depuis l’annonce de la suspension de 3 cadres de Renault le 5 janvier 2011, il est extrêmement difficile de comprendre la stratégie poursuivie par la firme. Et plus on connaît de détails, plus on se demande si Renault suit une stratégie ou si le constructeur improvise au jour le jour.



La firme aurait donc reçu une lettre anonyme au mois d’août 2010 l’alertant des agissements douteux de certain(s) cadre(s). On ne connaît pas les détails de ce que révèle cette lettre, mais elle devait être assez crédible pour que Renault charge une compagnie de sécurité privé d’enquêter. Jusque là rien d’inhabituel. Dans ces cas-la, on essaie de vérifier l’accusation, et si elle est confirmée, de réunir des preuves, et si possible de piéger les espions pour les prendre « la main dans le sac ». Cela permet de confronter les accusés, leur faire reconnaître leur culpabilité, et de leur demander de démissionner dans la plus grande discrétion. Affaire terminée.

Or après plus de 4 mois d’enquête, Renault décide d’annoncer la suspension de 3 cadres, sans donner de noms, mais en laissant entendre qu’il s’agissait d’un cas d’espionnage industriel et que la firme craignait que son leadership dans le développement de la voiture électrique soit compromis.

Ces révélations alarmistes allaient évidemment faire la une des médias, et le peu de détails donnés par Renault attisait la soif des journalistes. Pourquoi Renault avait-t-il décidé de rendre l’affaire publique ? Qu’avait à gagner la firme en rendant l’affaire publique ? Pourquoi avait elle donné si peu de détails, alors qu’en cas de crise devenue publique tous les spécialistes de la com’ s’accordent à penser qu’il faut alors une transparence totale. Pourquoi Renault n’a-t-il pas invité les journalistes à une conférence de presse pour répondre à toutes leurs questions et créer un capital de sympathie auprès des médias et du public ? Optimiste, on se disait que Renault avait choisi une stratégie très étonnante, mais que le constructeur devait savoir ce qu’il faisait, puisqu’il avait eu plus de 4 mois pour développer sa stratégie. Cela devait donc être une stratégie béton.

Le 6 janvier, le gouvernement s’en mêle, et le ministre de l’industrie confirme la gravité du cas d’espionnage, en parlant de guerre économique. Renault n’avait-il pas averti le gouvernement avant de faire son annonce publique ? N’avait-il pas demandé au gouvernement de ne pas jeter de l’huile sur le feu ? Renault avait-il réellement une stratégie sur cette affaire ?

Le 7 janvier, on apprend, par les journaux, l’identité des 3 cadres, qui semblent tomber des nues. Apparemment, Renault n’avait jamais confronté les 3 cadres, qui ne savent même pas ce qu’on leur reproche. La stratégie brillante de Renault transforme immédiatement les 3 cadres en victime auprès d’une bonne partie de l’opinion publique. On parle également d’une piste chinoise, que la Chine dément évidemment, outrée de l’accusation publique. Encore une fois, brillante stratégie de Renault qui essaie désespérément de se développer en Chine après y avoir déjà connu des problèmes politiques, il y a quelques années.

Finalement le 8 janvier Renault et le gouvernement font marche arrière. Patrick Pelata annonce qu’en fait aucun des secrets technologiques liés à la voiture n’avait été compromis, seulement des informations liées aux coûts et au modèle économique. On croit rêver… Le gouvernement lui aussi recule sur l’implication de la Chine, et ne parle plus que d’un « pays étranger »… Toute illusion sur l’existence d’une stratégie sur cette affaire disparaît. Renault ne communique plus qu’en « réactif », pour commenter les dernières infos parues dans les médias.

Le 11 janvier, Renault indique qu’il va officiellement déposer plainte le lendemain. Le 12 janvier, la firme annonce qu’en fait la plainte allait être déposée le 13… Cela devient de plus en plus du niveau « guignol »!

Le 13 donc, Renault dépose « plainte contre X ». Bref on va assister pendant des mois à un déballage de linge sale chez Renault, en direct des tribunaux, ce d’autant plus que les 3 cadres vont sans doute porter plainte contre Renault à leur tour.

samedi 15 janvier 2011

Lagardère : des cessions ne font pas une stratégie

Céder des actifs, réduire les coûts en supprimant des emplois ne font pas une stratégie. Pourtant, depuis plusieurs années, le groupe Lagardère a le plus grand mal à donner consistance à une stratégie digne de ce nom et se contente des à-côtés. Pour quel résultat ? Sur 5 ans, l’action du groupe a perdu 48% de sa valeur.



Entre 2004 et 2009, le chiffre d’affaires et le résultat opérationnel des activités média sont passés de 7,5 à 7,9 milliards d’euros et de 470 à 463 millions d’euros respectivement. La marge opérationnelle du pôle média a reculé de 6,3% à 5,9%. Certes, les effets de la crise se sont fait ressentir. Mais même en 2010, année de reprise des marchés publicitaires dans le monde, les résultats du groupe devraient encore reculer de manière significative (-15% environ au niveau du résultat opérationnel).

Sur la période 2010-2012, le marché table sur une croissance du résultat par action de 6,2% par an. Même en tenant compte d’un rendement du dividende plutôt conséquent (autour de 4%), le titre, qui capitalise 11,5X le résultat attendu pour 2012, semble correctement valorisé, en l’absence de stratégie plus cohérente et convaincante.

Des projets existent bien de-ci, delà (comme développer les activités radiophoniques à l’international) mais l’investisseur qui cherche à saisir quel est le modèle d’affaires du groupe a plutôt du mal à comprendre où Arnaud Lagardère compte l’emmener.

Pour l’heure, ce sont les cessions d’actifs qui occupent le devant de la scène. Fin 2010, le groupe a officialisé la cession de son activité de presse étrangère à l’américain Hearst (pour manque de taille critique et refus du groupe d’investir dans cette activité).

Cette semaine, la presse évoquait le projet de cotation, courant avril, des 20% détenus dans Canal+ France. Comme le rappelle Les Echos, Arnaud Lagardère avait commis une petite erreur en ne demandant pas de prix plancher pour ses 20% en cas de cession – erreur que n’ont commis ni M6, ni TF1, qui détenait respectivement 9,9% et 5,1%, et ont retiré de leur vente 748 et 384 millions d’euros chacun.

Objectif 1,5 milliard d’euros

En allant en Bourse, Lagardère espère obtenir une valorisation proche de 1,5 milliard d’euros, prix bien supérieur à ce qu’il peut espérer d’une transaction avec Vivendi (actionnaire des 80% de Canal+ France), qui l’a gentiment éconduit au vu du prix demandé (1,35 milliard selon Les Echos). Les analystes financiers sont eux beaucoup plus prudents, puisqu’ils évoquent une valeur autour de 1 milliard d’euros.

Vouloir coter un actif en ne plaçant que 20% du capital dans un environnement de marché pour le moins volatil risque d’être un pari ardu. Si tout cela se passe comme prévu, ce sont pas moins de 2 milliards d’euros dont disposerait le groupe. En supposant que ce chiffre ait une quelconque crédibilité, à quoi serviront ces fonds ? A réaliser des acquisitions notamment.

Pourtant, en dix ans d’activisme capitalistique, les changements de périmètre incessants n’ont pas propulsé Lagardère en géant mondial des médias (4,7 milliards de cessions pour 7 milliards d’acquisitions selon Les Echos). Les relais de croissance envisagés aujourd’hui (Internet, le sport) arrivent peut-être trop tard. L’explosion des droits TV du foot par exemple a certainement atteint un pic, à voir la situation financière des « grands » clubs de foot ; pour les autres sports, difficile d’imaginer des évolutions aussi fulgurante.

Lagardère est en fait mal positionné dans la chaîne de valeur des médias. Il dépend en grande partie de la publicité, qui s’investit sur d’autres formats, plus mobiles et plus rentables (en termes de ciblage de l’audience). Disposer de supports à forte audience ne suffit plus. Il faut une palette la plus étoffée possible, notamment sur les nouveaux médias. Or le groupe a mal négocié le virage Internet et a complètement loupé celui de la télévision, qui reste un média de masse incontournable pour les annonceurs. Etait-ce un signe ? L’an dernier, c’est Publicis (qui achète les espaces médias au profit de ses clients), qui a remplacé Lagardère au sein du CAC 40.