jeudi 27 novembre 2008

La crise accélère t-elle la dématérialisation de l'économie ?

Malgré tous les plans de relance de l'économie approuvés, étudiés ou débattus, les chiffres de la consommation dégringolent chaque mois un peu plus. -1% en octobre aux Etats-Unis, un record depuis le 11-septembre, -0,4% en France pour le même mois, et nous n'en sommes probablement qu'au début, et encore, au moment des fêtes de fin d'année où, en général, la consommation des ménages augmente significativement (de 15 à 20%).

Les ménages consomment moins, mais vont probablement consommer surtout différemment. La chasse au prix est ouverte, les meilleures affaires font l'objet de plus d'attention, et c'est peut-être l'e-commerce qui tirera le mieux son épingle du jeu. La crise actuelle semble en effet accélerer la modification des comportements de consommation en faveur des boutiques en lignes et des grandes plate-formes de commerce électronique. Si les derniers chiffres montrent également une baisse des ventes dans l'e-commerce (de 4%), cela ne permet pas de mesurer les différences entre ce secteur et celui de la vente "classique", en magasin. Amazon fait un véritable carton au Royaume-Uni où ils inquiètent même les boutiques londoniennes pour les fêtes, tout y étant "virtuellement moins cher".

D'autres formes dématérialisées du commerce commencent à poindre, et ce, encore une fois, malgré le contexte de la crise. L'industrie musicale, qui ces dernières années a subi revers sur revers, commence à trouver un semblant d'équilibre, et en tout cas a changé de cycle comme en témoigne cette autre nouvelle du New York Times. La maison d'édition Atlantic (Led Zeppelin, Ray Charles...) a ainsi vendu plus d'unités de musique digitales qu'en CD classique vendus en magasin. Certes, en termes de revenus, cela ne compense pas les pertes de l'économie "en dur", mais la crise devrait "permettre", si l'on peut utiliser ce terme, d'accéler le mouvement. Pour Noël, il reviendra moins cher d'offrir une carte pré-payée iTunes (99 cents le titre) que d'acheter un CD dont les prix n'ont pas réellement beaucoup baissé (voir ici pour un bon récapitulatif de l'évolution des prix de la musique).

D'autres exemples confirment cette casse des prix des objets lorsqu'ils passent en version électronique. Ainsi l'enregistreur numérique Sony HDR-SR11, lancé en avril au prix magasin de 1200$, était vendu peu après sur dell.com à 899$ et à 750$ sur un autre e-commerçant américain ! De quoi gagner durablement la confiance du consommateur qui déciderait de tester l'achat en ligne ou digitalisé. Côté producteur, distributeur et revendeur, les marges se font évidemment moins grasses qu'auparavant, et il leur faut vendre un nombre beaucoup plus important d'un même item pour arriver à rentrer dans leurs frais. Un équilibre fragile, que la crise bouscule, d'où une guerre des prix électroniques des plus violentes ces derniers temps. La "prime au vainqueur" du porte-monnaie des consommateurs est considérable, car seul celui qui arrivera à fidéliser le premier un client sur ses divers envies d'achats pourra réussir ces reventes massives.

Enfin, dernier avatar de la transformation des modes de consommation vers un passage au dématérialisé, le marché des "coupons", "vouchers" ou "coupons" en V.O, en plein boom. La majorité des sites d'e-commerce proposent désormais au moment du paiement de rentrer des codes promotions trouvés ici et là sur le web, qui permettent d'obtenir des réductions que quelques pourcents sur le prix final. On trouve de nombreux sites qui regroupent ces codes promotionnels, mais n'espérez pas pour autant enchaîner les bonnes affaires, car côté vendeur, on tente de contrôler la dissémination de ces codes promos sur Internet pour ne pas qu'une incitation occasionnelle d'achat devienne une brèche dans laquelle s'engouffreraient des milliers d'internautes à la recherche des meilleures affaires !

lundi 17 novembre 2008

Ne zapper plus, c'est encore pire ! Petite leçon de publicité cognitive

Rien n'arrêtera la pub, ou presque. En tout cas pas la technique, malgré les quelques obstacles qu'elle a pu mettre en travers des annonceurs. C'était évidemment sans compter sur les petits malins et autres têtes chercheuses en cognitivisme qui travaillent dur pour que, coûte que coûte, le message passe.

C'est un article de The Economist qui revient sur une trouvaille d'Adam Brasel et James Gips de la Caroll School of Management de l'université de Boston, dans le Massachussets. Leur défi : trouver un moyen d'éviter qu le téléspectateur ne "zappe" les publicités lorsqu'ils enregistrent leurs
émissions favorites sur les enregistreurs vidéos numériques. Ceux-ci permettent notamment de sauvegarder l'émission sur le disque dur de l'appareil pour le visionner ultérieurement... et pour zapper les publicités qui surgissent régulièrement. Le téléspectateur prend donc sa télécommande, et maintient le temps qu'il faut la touche "forward" pour s'éviter de 2 à 8 minutes de publicités considérées comme intempestives.

Là où les deux chercheurs ont eu le nez creux, c'est en observant comment le téléspectateur fonctionne. Car pour ne pas avoir à revenir en arrière ou loupé la reprise de l'émission, celui-ci reste extrêmement concentré sur les images en défilement rapide. Idéal au niveau de la concentration sur l'image, bien plus qu'en temps "normal" où le téléspectateur est en général distrait et peu attentif aux nombreux messages qui défilent toutes les 30-45 secondes sur son écran. Cette concentration maximale, il est finalement assez simple de comprendre (à posteriori) comment l'utiliser. Tout simplement en créant des messages publicitaires qui sont "vus" de manière optimale en vitesse de défilement rapide ! Plutôt que de créer un spot publicitaire de 30 secondes où un nombre incalculables d'images se succèderont, autant garder 2 ou 3 images qui, en défilement rapide, "resteront" plus longtemps à l'écran, et sur la rétine concentrée du téléspectateur. Même si le téléspectateur ne voit qu'une image sur 24 en défilement rapide, si celle si est toujours la même, il finira par la percevoir un temps suffisant pour être retenue, comme l'ont démontré les résultats de l'étude parue dans le Journal of Marketing. Le spot de 30 secondes devient une image fixe de 1,5 seconde, un temps suffisant pour retenir la marque.

Les avantages de cette méthode sont évidents : le "spot", habituellement coûteux en stratégie, en personnel et en temps, est réduit à sa portion congrue. Il suffit d'un peu de créativité pour que la marque apparaisse encore plus (en la décentrant, par exemple, ou en la retournant) à coût zéro ou presque, et la réception de la marque par le téléspectateur est encore plus facile que sur un spot classique vu à vitesse normale, où il faut sortir de plus en plus des sentiers battus pour espérer être retenu par le téléspectateur consommateur.

(ci-contre : le résultat d'une recherche sur "l'impact" du regard lors d'une requête Google")
On n'échappe pas longtemps à la publicité ! ;)

jeudi 6 novembre 2008

Abu Dhabi crée un pôle média avec ses pétrodollars

Et si on ne parlait pas de Barack Obama, mais des médias quand même (croyez-moi, c'est plus compliqué qu'il n'en a l'air !).

C'est un article du Monde qui nous informe d'une autre ambition du très dynamique micro-Etat de Abu Dhabi, celui-la même qui avait déjà investi dans un Louvre des sables... mais à en croire le Monde, la concurrence sur place est rude ! Al-Jazira est située à Doha, et Dubaï a déjà lancé une Media City.

Quel est l'intérêt d'investir dans ce secteur pour les Emirats ? D'abord, c'est là où se trouve le coeur de la finance du monde arabe. Ensuite, d'être pret à conquérir un marché des contenus en arabe amené à se développer rapidement comme en témoigne ce passage :

"Quelle est l'ambition de "twofour54" ? "Notre objectif est de créer du contenu média pour 300 millions de personnes du monde arabe, affirme Tony Orsten, patron de twofour54. Notre approche est unique car nous voulons regrouper en un même lieu la formation des journalistes et des techniciens, l'incubation d'entreprises innovantes, des moyens de production et de post-production et l'implantation de partenaires internationaux."

Comme souvent dans ces contrées qui ne savent plus quoi faire de leur argent, l'idée n'est pas tant d'obtenir un retour sur investissement, mais d'ancrer encore plus les Emirats comme un centre régional (et quelle région, du Maroc à l'Indonésie, en très gros) de connaissances.

Le projet s'appelle Abu Dhabi Media Zone, et vise également à insufler les valeurs "traditionnelles" de l'Islam dans les contenus vidéos ou internet, un mouvement qui dame le pion en quelques sortes aux productions locales d'Egypte, de Syrie ou du Liban estimés trop laïques, comme le relate le blog de Claude Soula du Nouvel Obs :

Objectif avoué ? « Elever le niveau des « contenus » produit pour le monde arabe ». Les responsables de l’Emirat estiment que si les programmes locaux étaient meilleurs, ils seraient plus regardés par les 300 millions de spectateurs arabes. Inutile de dire que ces programmes doivent contenir des valeurs arabes, traditionnelles. Ils seront sans aucun doute plus sévères que les films produits par le Liban, l’Egypte ou la Syrie, des pays nettement plus laïques.

A suivre, donc !