vendredi 18 décembre 2009

« Cross selling » chez les opérateurs télécoms: la convergence change la donne


L'Autorité de la Concurrence aime gâcher le Noël des opérateurs télécoms. L'année dernière, c'est France Télécom qui était la victime des foudres de l'autorité dirigée par Bruno Lasserre, avec les mesures d'urgence imposées pour mettre fin à la commercialisation exclusive de l'iPhone d'Apple. Un an plus tard, l'Autorité s'autosaisit d'un dossier chaud mais cette fois-ci c'est pour le plus grand plaisir de France Télécom.

L'Autorité de la Concurrence a annoncé le 15 décembre qu'elle va regarder le dossier du « cross selling » et de ses effets sur les marchés des télécommunications. En fait, c'est Bouygues Telecom et son forfait quadruple-play (téléphonie fixe, internet, TV et mobile) qui sont placés sous examen. En soi, l'offre du troisième opérateur mobile n'est pas un scandale. Elle lui permet d'entrer sur le marché du haut débit fixe, en se démarquant commercialement des offres triple-play classiques de ses concurrents.

Mais cette offre pose un problème concurrentiel que France Télécom n'a pas manqué de soulever. En effet, depuis l'ouverture du secteur à la concurrence en 1998, l'opérateur historique a interdiction non seulement d'adresser une facture unique à ses clients abonnés à ses différents services, mais il ne peut pas non plus croiser ses bases d'abonnés dans le mobile et dans le fixe pour des opérations commerciales.

Cette interdiction faite à France Telecom est facile à comprendre. En tant qu'opérateur reconnu comme dominant - au terme des analyses de marché conduites par l'Arcep - sur le fixe, l'Internet à haut débit et le mobile, France Télécom pourrait facilement restreindre le champ de la concurrence si ses différentes divisions avaient accès aux bases d'abonnés des autres. Les opérateurs alternatifs ont d'ailleurs toujours été très vigilants et ont réagi très rapidement dès que France Télécom essayait de contourner ces règles.

Mais la régulation sur chaque marché mise en place par le gendarme des télécoms a de plus en plus de mal à tenir la route quand les différents marchés sont convergents. Ce qui est aujourd'hui le cas du haut débit et du mobile avec l'offre quadruple-play de Bouygues Telecom. Depuis le lancement du forfait Idéo par ce dernier, France Télécom réclame donc le droit de faire la même chose, et donc une modification de la régulation sectorielle.

France Telecom avance un argument de poids : l'offre de Bouygues Telecoms a modifié la donne sur le marché du haut débit. Selon l'Autorité de la concurrence, la part de marché de l'opérateur mobile dans la croissance du marché ressort ainsi à 17 %. En face, tout le monde a perdu du terrain et, surtout, France Télécom qui a vu sa part de marché tomber à 30 %, alors que son parc d'abonnés haut débit représente 49 % de l'ensemble du marché.

L'Autorité de la Concurrence prend donc les devants pour déterminer le cadre légal de telles offres. Car, France Télécom n'est pas le seul acteur à considérer le quadruple-play comme une arme mortelle. C'est aussi le cas d'Iliad. Ne disposant pas (à ce jour) de licence de téléphonie mobile, la maison mère de Free ne peut pas s'aligner sur l'offre de Bouygues Telecom.

Si Iliad devrait obtenir, en fin de semaine, la quatrième licence, l'ouverture de son réseau ne pourra pas intervenir avant dix-huit mois. Le quadruple-play introduit donc une rupture dans le jeu de la concurrence, surtout si SFR s'aligne sur cette offre, l'opérateur ayant déjà reconnu être prêt à casser le prix de son forfait triple-play pour conserver ses clients désireux de rejoindre Bouygues Telecom.

mardi 15 décembre 2009

«Les agences médias ont été soumises à rude épreuve»

Le directeur général de Havas Media France, Dominique Delport, est l'invité de ce Buzz Média Orange-Le Figaro spécial Cristal Festival (ex-Festival de la Publicité), à Crans Montana (Suisse).



Interrogé sur la chute de plus de 10% du marché publicitaire mondial prévue cette année - un recul encore plus fort qu'attendu -, Dominique Delport concède que «l'année a été épuisante et passionnante. Là où nous avons d'habitude cinq ou six compétitions et remises de budgets en jeu, nous en avons eu cinquante à soixante cette année. Les équipes ont été soumises à rude épreuve dans toutes les agences médias». Cette crise sans précédent pour l'industrie de la communication s'est ressentie dans les travaux présentés au Cristal Festival qui se déroule actuellement à Crans Montana (Suisse). «Dans certains secteurs comme l'automobile, la banque et l'assurance, qui d'habitude sont beaucoup plus riches, la préoccupation des agences et des annonceurs n'était pas de préparer des cas de campagnes pour cette 9e édition du festival», confirme Dominique Delport, juré cette année au Media Cristal. Cette catégorie de la compétition distingue l'innovation d'une stratégie médias d'une marque, son adéquation avec le contenu du message et avec sa cible, mais aussi son efficacité. «Pour autant, le niveau des cas présentés était de bon et, surtout, nous avons décerné de belles récompenses avec, à chaque fois, la participation, le communautaire et l'interactivité comme socle des campagnes. C'est le cas du Grand prix attribué à T Mobile Slovaquie, avec un excellent parti stratégique, une bonne exécution plurimédia et des résultats sur les ventes et le business», poursuit Dominique Delport.

En 2009, Havas Media, comme ses grands concurrents Aegis, Publicis, WPP et Omnicom, a vécu au rythme effréné des compétitions d'achat d'espace. «Nous sommes passés de cinq remises en jeu de budgets par an à cinq par mois ! Les équipes ont donc été soumises à rude épreuve dans les agences médias. Mais, au final, Havas Media s'est très bien défendu. Nous avions tout de même plus de 40% de notre business à défendre. Cela coûte beaucoup d'argent et du temps passé très lourd», insiste le patron de Havas Media France qui a représenté un volume d'activité, selon l'institut Recma, de près de 2,6 milliards d'euros en 2008 avec plus de 800 collaborateurs. «Cette année 2009 s'est aussi bien tenue grâce à notre intégration digitale, relève Dominique Delport. En 2010, il y a un nouveau cap à franchir, celui des contenus et de la data, c'est-à-dire de l'analyse des données et des études.»

Le groupe Havas, qui a fait «le pari d'intégrer le numérique au sein de ses équipes, dès la première ligne commerciale», vient ainsi de lancer Havas Productions. Créée avec le groupe Bolloré, son premier actionnaire qui contrôle la chaîne de la TNT Direct 8, cette société a la vocation de produire des contenus audiovisuels et Internet pour les clients conseillers par les différentes agences médias et créatives - du groupe de communication. «Le fait de maîtriser cet actif là est très important pour les annonceurs, qui développent eux-mêmes de plus en plus des stratégies de points de contact nouvelles et des stratégies de médias privés. Chaque marque va peut-être avoir demain sa Web TV, son magazine en ligne, son site d'e-commerce... Cela nécessite de repenser les contenus. La base, c'est de créer du lien et de l'émotion avec les consommateurs», conclut Dominique Delport, soulignant que «80% des investissements médias restent puissamment concentrés sur les médias traditionnels».