mercredi 28 octobre 2009

Détails sur la stratégie de Google en France


Frédéric Mitterrand n'aime pas qu'on lui impose un tempo, surtout s'il est dicté par un «géant économique» comme Google. Dix jours à peine après le désistement de Claude Durand à la tête de la commission sur la numérisation des fonds patrimoniaux des bibliothèques, le ministre de la Culture a mis les bouchées doubles pour désigner son remplaçant, Marc Tessier, l'ancien directeur général du Centre national de la cinématographie (CNC) et ancien président de France Télévisions. Dans la foulée, il a constitué son équipe - composée d'Emmanuel Hoog, président de l'INA, Olivier Bosc, conservateur en chef des bibliothèques, Alban Cerisier, directeur du développement numérique chez Gallimard, et François-Xavier Labarraque, directeur du développement de Radio France - et donné, hier devant la presse, le coup d'envoi officiel des travaux de la commission.

«Nous sommes dans une situation d'urgence où la numérisation se présente comme un tsunami qui déferle sur l'Europe, a prévenu hier le ministre de la Culture. Soit nous regardons l'émergence du numérique se faire (…), soit nous prenons la question à bras-le-corps.»

Un calendrier serré

C'est justement ce qu'a fait le ministre en imposant à la commission un calendrier particulièrement serré. Son rapport d'étape est fixé au 24 novembre, soit trois jours avant la réunion du Conseil des ministres européens de la Culture où Frédéric Mitterrand veut disposer de premiers éclairages sur ce délicat dossier. Le rapport définitif doit être remis le 15 décembre. «Un défi, reconnaît lui-même Marc Tessier. Notre problématique sera d'entrer en contact avec les opérateurs internationaux dans ces délais.» Google, accusé par les éditeurs européens de ne pas respecter les droits d'auteur, pourrait faire la sourde oreille, d'autant qu'il est en pleine renégociation d'un accord avec leurs homologues américains.

Concrètement, la commission doit apprécier les risques et les avantages d'un partenariat entre Google (ou un autre acteur privé) et les institutions publiques dans la numérisation de leurs bibliothèques. L'enjeu pour l'État est de permettre, grâce à l'Internet, au plus grand nombre d'accéder à ses œuvres culturelles, sans pour autant s'en laisser déposséder par des acteurs privés. Très précis, le cahier des charges, dévoilé hier, demande donc aux cinq rapporteurs d'axer leur travail sur «la libre disposition du patrimoine national numérisé»,«la conservation des fichiers numérisés» et sur «l'intérêt économique et financier pour l'État et le contribuable» en se gardant bien «de toute position idéologique (…), notamment de toute hostilité facile et irréfléchie envers l'Amérique».

À terme, le ministre ne s'en cache pas. Il compte bien faire financer certains projets de numérisation par le grand emprunt national. Il en a déjà discuté avec ses présidents, Alain Juppé et Michel Rocard, qui lui ont fait un accueil favorable. Un nouveau rendez-vous est prévu début novembre. À coup sûr, le rapport Tessier devrait lui permettre de mieux préciser ses attentes.