jeudi 26 juin 2008

3G : quel modèle économique ?

La pénétration de la 3G en téléphonie mobile change la donne au niveau des modèles économiques envisagés. Prenons le cas de Apple. Si la firme à la pomme avait semblé louper le coche avec une première version de l'iPhone dépourvue de 3G, la deuxième version, l'iPhone 3G, est programmé pour réussir, et le nouveau modèle économique l'explique en partie, car il permet de réduire considérablement le coût à l'achat du terminal.

Jusque là, le modèle économique de la téléphonie était basé sur le matériel : cher à produire, il fallait pourtant bien le vendre, d'où les forfaits "subventions", qui permettent au client d'acheter un terminal de qualité à moindre prix (apparent), mais en s'engageant dans la durée avec l'opérateur téléphonique, pour 12 ou 24 mois en général. Seulement, s'engager pour 2 ans avec le même téléphone quand les avancées technologiques rendent obsolètes un appareil de plus de 9 mois, cela peut devenir un frein à l'achat. Apple l'a bien compris, et semble prêt à étendre son modèle économique à l'ensemble du secteur de la "mobilité", dans son acception la plus large.

La première version de l'iPhone avait tenté un nouveau pari économique, en ne choississant qu'un distributeur exclusif par pays (AT&T aux Etats-Unis, Vodafone au Royaume-Uni, Orange en France). Le coût de l'appareil était également supporté par l'opérateur "élu", celui-ci devant partager ses revenus issus de l'iPhone avec Apple. Somme tout, l'on restait dans le modèle de l'abonnement à long-terme. Mais les choses changent, comme le prouve cet intéressant extrait d'un document qu'Apple a fourni à la SEC (le gendarme boursier américain). Voici le paragraphe qui touche du bout des lèvres le changement de business model, trouvé ici initialement :

“Apple has signed multi-year agreements with carriers authorizing them to distribute and provide network services for iPhones in over 70 countries. These agreements are generally not exclusive with a specific carrier, except in the United States, United Kingdom, France, Germany, Spain, Ireland, and certain other countries. Under the vast majority of these agreements, Apple will not receive follow-on revenue generating payments from carriers for the new iPhone 3G beyond the purchase of the device by carriers or a commission on sales of the device by Apple. Apple will continue to receive payments from cellular network providers related to first-generation iPhones as long as they remain active on authorized networks.”

C'est donc écrit noir sur blanc, Apple ne compte plus sur les revenus générés par les "revenus partagés" de l'opérateur. Ce qui permet d'ailleurs aux opérateurs de casser les prix et de passer en dessous de la barre des 200$, ou 200€, seuil symbolique au-dessous duquel les appareils partent beaucoup mieux (ce fut le cas notamment de la PSP, et de certains modèles de l'iPod. Pour l'iPod, les ventes étaient passées de 8 à 32 millions d'unités). On peut donc considérer qu'avec ce prix moindre, les ventes de l'iPhone vont décoller. LEs prix sont d'ailleurs presque ridiculement bas ailleurs en Europe : O2, en Angleterre, a commercialisé l'iPhone 3G gratuitement contre un engagement de 45 euros sur 18 mois, et en Allemange, T-Mobile a offert le précieux terminal contre 69 euros sur 24 mois. Le prix du matériel n'est donc plus la clé de voûte de la 3G.

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Le modèle économique bascule des revenus partagés vers les revenus générés par les apps, ces applications que l'on retrouve un peu partout sur Internet, depuis Facebook jusqu'au blog. Sauf que pour les téléphones, ces apps seront payantes, car elles apportent un réel "+", un meilleur navigateur web, par exemple, ou un logiciel de traitement de texte. En ayant élargi au préalable la base de pays où l'appareil est disponible (ce qui est en train d'être fait), ces apps pourraient même amener le modèle économique de l'abonnement à obsolescence.

D'autre part, la 3G peut ainsi viser clairement les entreprises, beaucoup plus qu'avant. Ainsi l'iPhone ne vient pas seul, il est bien accompagné comme le rapporte ITRManager :

- L'annonce d'une infrastructure de type SaaS : Apple a annoncé MobileMe en même temps que l'iPhone, un ensemble de services de stockage de données personnelles - mails, agenda, calendrier - avec un fonction de synchronisation sur l'ensemble des systèmes de l'utilisateur (une sorte d'équivalent du Live Mesh de Microsoft) ;

- Une plate-forme de développement d'applications : l'iPhone 3G est un objet programmable pour des applications d'entreprise. Le SDK (Software Development Kit) annoncé par Apple simultanément à l'iPhone avait totalisé quelque 250 000 téléchargements dans les jours qui ont suivi l'introduction du matériel. Quelque 1000 applications seraient disponibles sur l'Apps Store d'Apple.

Parmi les apps qui risquent fort de se retrouver en tête des téléchargements, on trouve ainsi Microsoft Exchange, le Pack Office, le navigateur Safari et la suite iWork, les accès sécurisé (SSL, IPSec...) etc.

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En creusant un peu plus loin, c'est même le modèle économique du payant, pour la téléphonie mobile, qui risque d'être touché. Pourquoi ne pas imaginer que les services pour lesquels nous payons aujourd'hui seront gratuits demains, "subventionnés" par la publicité textuelle, vidéo ou même vocale sur les terminaux 3G ?