samedi 15 janvier 2011

Lagardère : des cessions ne font pas une stratégie

Céder des actifs, réduire les coûts en supprimant des emplois ne font pas une stratégie. Pourtant, depuis plusieurs années, le groupe Lagardère a le plus grand mal à donner consistance à une stratégie digne de ce nom et se contente des à-côtés. Pour quel résultat ? Sur 5 ans, l’action du groupe a perdu 48% de sa valeur.



Entre 2004 et 2009, le chiffre d’affaires et le résultat opérationnel des activités média sont passés de 7,5 à 7,9 milliards d’euros et de 470 à 463 millions d’euros respectivement. La marge opérationnelle du pôle média a reculé de 6,3% à 5,9%. Certes, les effets de la crise se sont fait ressentir. Mais même en 2010, année de reprise des marchés publicitaires dans le monde, les résultats du groupe devraient encore reculer de manière significative (-15% environ au niveau du résultat opérationnel).

Sur la période 2010-2012, le marché table sur une croissance du résultat par action de 6,2% par an. Même en tenant compte d’un rendement du dividende plutôt conséquent (autour de 4%), le titre, qui capitalise 11,5X le résultat attendu pour 2012, semble correctement valorisé, en l’absence de stratégie plus cohérente et convaincante.

Des projets existent bien de-ci, delà (comme développer les activités radiophoniques à l’international) mais l’investisseur qui cherche à saisir quel est le modèle d’affaires du groupe a plutôt du mal à comprendre où Arnaud Lagardère compte l’emmener.

Pour l’heure, ce sont les cessions d’actifs qui occupent le devant de la scène. Fin 2010, le groupe a officialisé la cession de son activité de presse étrangère à l’américain Hearst (pour manque de taille critique et refus du groupe d’investir dans cette activité).

Cette semaine, la presse évoquait le projet de cotation, courant avril, des 20% détenus dans Canal+ France. Comme le rappelle Les Echos, Arnaud Lagardère avait commis une petite erreur en ne demandant pas de prix plancher pour ses 20% en cas de cession – erreur que n’ont commis ni M6, ni TF1, qui détenait respectivement 9,9% et 5,1%, et ont retiré de leur vente 748 et 384 millions d’euros chacun.

Objectif 1,5 milliard d’euros

En allant en Bourse, Lagardère espère obtenir une valorisation proche de 1,5 milliard d’euros, prix bien supérieur à ce qu’il peut espérer d’une transaction avec Vivendi (actionnaire des 80% de Canal+ France), qui l’a gentiment éconduit au vu du prix demandé (1,35 milliard selon Les Echos). Les analystes financiers sont eux beaucoup plus prudents, puisqu’ils évoquent une valeur autour de 1 milliard d’euros.

Vouloir coter un actif en ne plaçant que 20% du capital dans un environnement de marché pour le moins volatil risque d’être un pari ardu. Si tout cela se passe comme prévu, ce sont pas moins de 2 milliards d’euros dont disposerait le groupe. En supposant que ce chiffre ait une quelconque crédibilité, à quoi serviront ces fonds ? A réaliser des acquisitions notamment.

Pourtant, en dix ans d’activisme capitalistique, les changements de périmètre incessants n’ont pas propulsé Lagardère en géant mondial des médias (4,7 milliards de cessions pour 7 milliards d’acquisitions selon Les Echos). Les relais de croissance envisagés aujourd’hui (Internet, le sport) arrivent peut-être trop tard. L’explosion des droits TV du foot par exemple a certainement atteint un pic, à voir la situation financière des « grands » clubs de foot ; pour les autres sports, difficile d’imaginer des évolutions aussi fulgurante.

Lagardère est en fait mal positionné dans la chaîne de valeur des médias. Il dépend en grande partie de la publicité, qui s’investit sur d’autres formats, plus mobiles et plus rentables (en termes de ciblage de l’audience). Disposer de supports à forte audience ne suffit plus. Il faut une palette la plus étoffée possible, notamment sur les nouveaux médias. Or le groupe a mal négocié le virage Internet et a complètement loupé celui de la télévision, qui reste un média de masse incontournable pour les annonceurs. Etait-ce un signe ? L’an dernier, c’est Publicis (qui achète les espaces médias au profit de ses clients), qui a remplacé Lagardère au sein du CAC 40.

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