mercredi 6 août 2008

Mutation de la chronologie de diffusion des médias


La "chronologie de diffusion des médias", parfois aussi appelée plus simplement "chronologie des médias", est un concept intéressant, car en grande mutation ces derniers temps, avec l'accéleration de la diffusion des contenus, gains de temps permis par les avancées technologiques des NTIC (piratage, mais aussi VOD). Voici un panorama de l'évolution de cette chronologie, et quelques pistes sur ses mutations futures.

"Les dispositifs de chronologie des médias ont été institués, au niveau national puis au niveau européen, dans les années 80 pour protéger les exploitants de salles de cinéma contre la concurrence de la télévision et des supports enregistrés", trouve t-on sur le site de la DDM.
Concrêtement, les institutions nationales (et européennes, par la suite), ont défini des délais obligatoires avant la diffusion d'oeuvres audiovisuelles par d'autres médias (TV, notamment). Ces délais fondent avec l'avancée des NTIC : l'ORTF avait en son temps défini un minimum de 5 ans entre la sortie d'une oeuvre et sa diffusion à la télévision... un peu comme si l'on avait attendu 5 ans avant de pouvoir voir Matrix ailleurs qu'au cinéma, alors que désormais, certains films sont accessibles avant même leur diffusion sur grand écran. Les spectateurs (ou "e-spectateurs" devrait-on dire) peuvent désormais éviter d'attendre qu'un film américain soit traduit, sous-titré et disponible en France. L'ordre habituel de la chronologie de diffusion des médias est le suivant : cinéma, puis vidéo (location puis vente), et enfin TV. En France, la règlementation a ainsi longtemps crée la chronologie suivante :

- sortie du film en salle
- sortie en vidéo et en pay per view au bout d'un an
- diffusion sur Canal+ au bout de 15 mois
- diffusion sur les chaînes en clair au bout de 2 ans.

La directive européenne "télévision sans frontières" de 1997 a mis un terme à ce schéma, permettant aux producteurs et diffuseurs de négocier de gré à gré la chronologie de diffusion. Cette chronologie est un aspect crucial de la stratégie commerciale des producteurs et des diffuseurs, qui peuvent ainsi amortir les coûts élevés d'un film sur plusieurs années, en créant de facto plusieurs marchés : celui des cinéphiles, puis celui des spectateurs des chaînes à péage, et enfin celui des chaînes télévisées hertziennes.

Voici schématiquement la chronologie de diffusion telle qu'elle s'applique en France actuellement (source : wikipédia) :


Les délais ayant pour fonction principal de protéger l'exploitation en salle (la plus rentable pour la production), ceux-ci peuvent être rallongés en cas de succès, afin de continuer à engranger les bénéfices sur les places de cinéma (cas du Fabuleux destin d'Amélie Poulain). Ou raccourcis, en cas de flop en salle !

Cependant, cette chronologie risque d'évoluer. D'une part parce qu'elle est renégociée chaque année, et d'autre part parce que les différents acteurs en lice ont des intérêts divergents. Du point de vue des FAI (pour l'instant bloqués à 33 semaines), ce délai est trop long, et leur stratégie consiste à tenter d'aligner leur délai sur celui de la vente/location (24 semaines). Cette volonté va à l'encontre d'autres diffuseurs, notamment Canal+, qui veut conserver ce délai de 33 semaines pour garder la main sur les premières diffusions hors-salle. Le conflit principal n'est cependant pas celui des FAI contre les chaînes privées, tous deux se retrouvent finalement associés pour lutter contre le véritable ennemi des producteurs et diffuseurs : les pirates. Comme le note Jurispedia, "Cette tendance en faveur d’une adaptation de la chronologie des médias à la réalité des nouveaux modes de consommation a pour origine la volonté de lutter contre une piraterie toujours plus accrue".

La situation pourrait cependant se débloquer plus vite que prévue pour plusieurs raisons :
- les délais sont étonnamment longs lorsque l'on sait qu'environ 80% du total des entrées est atteint au bout de 3-4 semaines d'exploitation en salle.
- l'IPTV est en pleine expansion. La VoD est facilitée par la pénétration de l'ADSL (15 millions d'abonnées au 30 juin 2008) en France. Cependant, tous ces abonnés n'ont pas forcément accès à l'IPTV, qui est disponible pour ceux disposant des offres Triple Play (Internet, Télévision et Téléphonie) et qui se trouvent non loin des centraux téléphonique, c'est à dire principalement dans les grandes villes. Le nombre de clients IPTV avait ainsi atteint 5 millions en France, pays leader sur ce segment. Autant de clients potentiels pour l'achat de films.


Gageons également que raccourcir les délais de diffusions pour les FAI permettra d'enrayer les téléchargements illégaux, la tentation du piratage me semble être moins grande si l'on a moins à attendre pour pouvoir savourer des films (trop) longtemps attendus !



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